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Historique

Une approche de terrain née dans les années 1995 sur un terrain expérimental à Genève.

 

Stigmatisés souvent à tort, les jeunes sont soudains vus comme étant des « jeunes qui posent problèmes ». Fort de cette constations, la classe politique à fait appel à des acteurs de terrain afin de se rendre mieux compte de l’étendue de la problématique. C’est ainsi que je me suis engagé il y a une dizaine d’années à répondre à la fois aux besoins innombrables d’une jeunesse en proies aux doutes les plus divers et une classe politique régionale soucieuse de répondre aux craintes et aux interrogations de ses électeurs. Concentré sur la tache qui m’attendait, je me suis orienté plus sur les problèmes qu’ils avaient que sur les problèmes qu’ils posaient.

 

Mon travail lié à l’observation du terrain partait dans tous les sens, et plus je répondais, plus j’étais sollicité et je suis très vite devenu un pompier de service répondant à toutes les formes d’urgences relationnelles, sans que mon statut eu été préalablement défini. Seul sur le terrain il m’a fallu beaucoup de temps afin de  participer à l’élaboration d’un cahier des charges et d’un modèle d’intervention alors encore inexistant. Il faut dire que dans son ébauche, ma mission consistait à être présent là, ou les jeunes posaient problèmes ! Rien que ça. Dans le même quartier, j’enseignais le kick boxing dans une salle que je louais et beaucoup de jeunes que je rencontrais dans la rue fréquentaient mes cours et c’est tout naturellement que j’intégrais cette pratique comme étant à la base de mon action. Je le considère aujourd’hui comme un véritable outil de prévention.

 

Cela nécessite une grande capacité d’adaptation doublée d’un esprit fortement immergé dans le terrain particulier de l’urgence relationnelle. C’est alors la qualité de l’espace que nous pouvons ouvrir, qui va définir notre spécificité et non pas forcément la réduplication automatique des modèles existants. Le vecteur essentiel de cette forme de communication est d’abord la rencontre.

Cette rencontre émerge donc à partir d’une présence informelle dans des lieux déterminés comme étant potentiellement des lieux dit  « à risques » où nous n’avons pas été sollicité par ceux qui les fréquentent, lesquels nous ont été implicitement confié par ceux qui leur portent un intérêt tout à fait ambivalent : concentrer l’espoir qu’ils puissent se sortir de situations délictuelles tout en évitant les nuisances et l’ensemble des problèmes qu’ils occasionnent de part l’hostilité de leurs comportements.

 

Cette pratique du travail social « hors murs » ou de rue présente un aspect extrêmement ambigu qui consiste à faire preuve d’une très grande disponibilité tout en évitant l’intrusion des seuls espaces où peuvent se replier les plus exclus.

Il s’agit de ne pas être intrusif envers ceux qui souhaiteraient rester à « distance » tout en se montrant suffisamment accessible à ceux que cette présence inciterait à instaurer un dialogue qui pourrait hypothétiquement déboucher sur l’élaboration d’une demande. La dynamique de l’échange devient alors extrêmement complexe, puisqu’il nous faut préciser le cadre dans lequel un travail pourrait avoir lieu, tout en essayant de ne pas briser l’élan de celui qui se risque à faire une demande.

 

Il ne faut pas négliger que dans cette rencontre plus ou moins provoquée par nous-même, nous sommes en rapport avec des personnes souvent réfractaires au système institutionnel. Il nous faut alors développer dans cette forme d’exigence relationnelle une sorte de cadre provisoire, adaptable, permettant d’accompagner notre interlocuteur à travers divers processus dont il reste à chaque instant le décideur des suites qu’il entend donner à ses engagements.

Parfois, dans certaines rencontres, il nous faut accepter que la demande nous parvienne sur un mode un peu plus archaïque et c’est alors une écoute attentive qu’il nous faut développer avec comme seul objectif l’échange d’une parole authentique. Cette parole est alors juste le témoignage d’un échange qui permet au sujet de prouver s’il était encore besoin de sa volonté d’exister. La qualité de cette écoute devient alors la simple reconnaissance du sujet et nous oblige à renoncer à une quelconque influence sur l’évolution positive implicite que notre objectif aurait cherché à atteindre.

 

Avec le durcissement des relations dans le contexte urbain, en particulier à travers les problématiques de violences, de surconsommations, de trafics en tous genres, Mes compétences en matière d’enseignant de sport de combat m’ont été d’une aide considérable non pas dans l’application pratique de règlement de compte, mais dans le respect et la confiance qu’une telle pratique peut induire.

 

Mon approche spécifique par rapport à la violence est née d’abord à travers une pratique exclusivement sportive, elle s’est encrée et développée ensuite à travers une expérimentation éducative avant de se stabiliser à travers une réflexion d’application thérapeutique. C’est donc à partir de l’élaboration d’un cadre et d’un lieu symbolique identifier qu’est le « Dojo » qu’a pu se développer cette spécificité. C’est le développement de cette pratique spécialisée qui a incité certaines personnes comme par exemple une inspectrice de l’instruction publique en charge de ma circonscription, à faire appel à mes services dans plusieurs écoles de la région dans des situations de crises avec comme  dénominateur commun des situations de violences.

 

Je m’efforce envers et contre tout, de poursuivre et d’explorer cette « voie » en fonction essentiellement des nombreux feed back des participants. Mais alors  en quoi consiste cet outil tant décrié ? Il s’agit ni plus ni moins lorsqu’il est enseigné avec sagesse, d’un outil de développement physique et mental. Cette pratique permet entre autre, d’amener certains jeunes à s’approprier un cadre, à intégrer des repères, de pouvoir travailler la rencontre avec l’autre nécessairement différent, à leur apprendre à mieux gérer leurs émotions. Mais c’est aussi un moyen de canaliser leur agressivité en apprivoisant leur peur.

 

Se battre c’est donner libre court  à l’expression de la colère. Cette colère appelée par certain « haine » se transforme alors, en violence incontrôlée et incontrôlable et ne trouve une issue que dans le passage à l’acte et l’anéantissement de l’autre  sous n’importe quel prétexte. Ce que propose l’art martial, c’est de tenter d’apprivoiser, de réguler, d’exprimer et d’évacuer cette violence.

 

Le travail du corps permet celui de l’esprit et l’entraînement devient alors une tentative de réunification de l’être. L’apprentissage technique aide à la libération de l’angoisse et permet une relation duelle avec l’autre sous l’œil vigilant du « senseï » introduisant la notion du « tiers » garant de l’échange. La confrontation devient alors un véritable échange constructif autorisant la transformation de l’adversité en partenariat.

 

Sentir avec la pratique que l’on peut diminuer favorablement le taux élevé d’angoisse chez certains, permet entre autre d’éveiller en eux une forme de narcissisme permettant d’augmenter l’estime de soi. La conséquence directe de cet état, apporte à celui qui en fait l’expérience  une meilleure confiance en soi.

 

Le potentiel d’une telle pratique à de quoi surprendre bien des septiques, mais il n’en demeure pas moins un outil relationnel exceptionnel non pas seulement sur le plan sportif et socio- éducatif mais également sur le plan thérapeutique. Il me paraît essentiel dans un monde fait de violences d’en comprendre chez l’individu les mécanismes afin de mieux en maîtriser les effets. Le registre actuel ne s’oriente que vers la répression et que même si elle a une utilité probante, elle ne saurait être à elle seule la réponse adéquate. Il n’existe actuellement aucun traitements thérapeutique hormis des mesures éducatives ou de l’enfermement.

 

Le registre psychologique et psychothérapeutique quand a lui ne s’occupe exclusivement que de la psyché et c’est alors le corps qui est nié dans la relation d’aide. C’est pourtant ce corps qui s’exprime au travers  du passage à l’acte. Sans nier l’importance du travail psychothérapeutique complémentaire, l’importance de la réunification corps, tête, trouve dans la pratique des ateliers thérapeutique de combat un sens qui tient compte du corps dans son rapport à l’autre en intégrant la violence comme énergie constructrice.

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